La parole à Alina, présidente de Droit à l’école

Alina Lasry a 26 ans. Présente dans l’association depuis presque deux ans, elle a été élue au poste de Présidente en avril 2023. La cause des mineur.e.s isolé.e.s, elle la connaît bien puisqu’elle a longtemps été bénévole à Paris d’Exil, une association partenaire qui œuvre pour améliorer l’accueil des migrant.e.s à Paris.
 
Bonjour Alina, tu as rejoint Droit à l’école (DAE) depuis bientôt 2 ans et tu viens de prendre la présidence de l’association. Pourquoi cet engagement ?
 
Je suis sensibilisée depuis 4 ans à la cause des mineur.e.s non accompagné.e.s (MNA) grâce à des expériences bénévoles et civiques dans des associations partenaires, La Casa et Paris d’exil. 
Mon investissement auprès de ces associations de terrain m’ont permis de constater les manquements de l’État dans l’accueil des MNA, sur différents aspects de leur intégration : hébergement, juridique, administratif, médical, social, et bien sûr la scolarisation.

Avec les équipes bénévoles de Paris d’exil et La Casa, j’ai accompagné plusieurs jeunes pour les sortir de la rue, les aider à constituer leur état civil, les aider à s’intégrer, à leur redonner espoir en l’avenir… et le constat que j’ai fait, qui est majoritairement partagé, c’est que les jeunes qu’on accompagne n’aspirent qu’à une chose : aller à l’école. C’est l’envie d’aller à l’école qui les a mené.e.s jusqu’en France, et c’est l’envie d’aller à l’école qui les maintient motivé.e.s malgré l’extrême précarité de leur situation. C’est cela qui m’a donné envie de m’engager à Droit à l’école, pour travailler à lever les freins, administratifs ou autre, qui bloquent l’accès à la scolarisation pour ces jeunes.

Quels sont selon toi les difficultés majeures que rencontrent les jeunes suivi.e.s par DAE ?

Les jeunes que nous accompagnons à Droit à l’école sont en recours auprès du.de la juge des Enfants pour faire reconnaitre leur minorité. C’est-à-dire qu’iels ne sont pas encore reconnu.e.s mineur.e.s par le département, et donc qu’iels ne sont pas pris.es en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Pour ces jeunes en recours, la loi prévoit l’application de la présomption de minorité, qui permettrait à ces jeunes de bénéficier d’un hébergement, d’un suivi pluridisciplinaire et d’une scolarisation dès lors qu’iels en font la demande.

Pourtant, les départements n’appliquent pas la loi et laissent les jeunes à l’abandon, durant tout le temps de leur recours. Ce manquement de l’État mène à des délais de scolarisation extrêmement longs (entre 6 mois et 2 ans) et met en péril l’intégration scolaire puis socio-professionnelle de ces jeunes. C’est pourquoi nous demandons l’ouverture d’un guichet unique dédié à la scolarisation des MNA, reconnu.e.s mineur.e.s ou en recours, dès lors que les jeunes ont exprimé le souhait d’une scolarité.

En lien avec cette demande, nous recommandons l’ouverture d’un nombre suffisant de classes d’accueil (dispositifs UPE2A pour l’alphabétisation et la remise à niveau en français) afin d’être en mesure d’accueillir tous.tes les élèves allophones en demande d’être scolarisé.e.s.

Enfin, il nous parait fondamental de corréler la scolarisation à un hébergement digne et un accompagnement social pour favoriser l’insertion et l’intégration des jeunes et leur permettre de suivre une scolarité sereine. Beaucoup de jeunes que nous accompagnons et scolarisons vivent dans des situations extrêmement précaires, à la rue, sous des tentes, ou dans des hôtels sociaux qui ferment régulièrement. Ces conditions d’hébergement sont dramatiques et placent les jeunes dans des conditions indignes pour vivre, être en forme à l’école, apprendre, faire des stages…

As-tu observé une évolution de la situation des MNA en France depuis la création de DAE ?

Ce qu’on observe avant tout, c’est une accentuation des difficultés rencontrées pour l’accueil et l’intégration de ces jeunes. Les réseaux d’hébergement solidaires s’épuisent, confrontés à une politique d’accueil toujours plus difficile. Par ailleurs, les hébergements dans les hôtels sociaux se font de plus en plus rares, et souvent dans des villes très éloignées de Paris, ce qui rend très difficile la scolarité à Droit à l’école et dans les écoles de la République ensuite.
De plus, le projet de loi « Asile et immigration » détériore la situation déjà extrêmement précaire des jeunes que nous accompagnons, et met en péril leur intégration et leur régularisation en France.

Comment vois-tu l’avenir pour l’association ? Quels sont les objectifs de DAE ?

Nous portons des revendications fortes et notre plaidoyer pointe du doigt les mesures qui doivent être prises pour que l’intégration scolaire des MNA soit plus efficace. Notre priorité est de porter nos revendications auprès des pouvoirs publics pour créer un dialogue et faire respecter la loi. En attendant que l’État prenne le relais, DAE continue son action de scolarisation dans les écoles de la République et son accompagnement dans l’épanouissement scolaire, jusqu’à l’insertion professionnelle.

Car les résultats sont là : après presque 5 années d’expérience dans l’accompagnement des MNA vers la scolarisation, notre constat est extrêmement positif. Quand les MNA sont suivi.e.s, soutenu.e.s, accompagné.e.s et encadré.es, leur scolarité est une réussite. Iels ont une volonté et une motivation exceptionnelles dans leurs apprentissages, récompensées par des bonnes notes, des appréciations positives, des bulletins excellents… Les professeur.e.s des établissements qui accueillent les jeunes nous le disent : iels sont ravi.e.s d’accueillir les MNA dans leurs classes car iels sont toujours des élèves très apprécié.e.s, présent.e.s, ponctuel.le.s, assidu.e.s, faisant preuve d’un grand courage pour réussir leur scolarité malgré la précarité de leur situation. Et les retours des patron.ne.s confirment cette envie d’apprendre, cette envie de s’insérer professionnellement et cette envie de venir autonomes pour vivre leur vie en France dignement.